Coup de théâtre : F. Pélissier abandonne
Maillot jaune depuis la 1ère étape, Francis Pélissier s’est retiré à Morlaix (km 144). Le soir, « le Sorcier » s’explique : « J’ai senti, ce matin, quand je ramais sous le vent et sous la pluie qui me perçait jusqu’aux os, que ça n’allait plus du tout du côté des poumons : un vieux restant de mon embolie pulmonaire de cet hiver. (…) Et puis, il faut convenir qu’avec ce système d’équipes séparées, la lutte n’est pas toujours très égale. Ainsi, aujourd’hui, Alcyon avait décidé de nous mener la vie dure. Nous étions six contre douze, ce n’était donc ni plus ni moins qu’un match-poursuite à deux hommes contre un. Dans ces conditions, il arrive fatalement un moment où l’avantage numérique prend une importance capitale. Et puis, il est tellement difficile d’avoir une équipe homogène ! Voyez notre Breton Le Drogo. C’est, en dehors du sport, le plus charmant des camarades ; mais dès qu’il se sent sur un vélo, il n’y a plus moyen de le tenir. Si je vous disais qu’au cours des précédentes étapes, j’ai été obligé de le tenir littéralement par son maillot pour qu’il ne se sauve pas comme un fou. Il a des jambes et un coffre extraordinaire, mais, par contre, pas beaucoup de jugeote et, à moins qu’il ne s’amende, on aura du mal à lui faire gagner une course. »

F. Pélissier, dépassé par les Alcyon, va bientôt abandonner.

 Le Drogo en jaune
Pendant que ses équipiers tentent de convaincre Pélissier de ne pas abandonner, Ferdinand Le Drogo (11ème à 14’43’’ du vainqueur) fonce vers Brest où le maillot jaune lui tend les bras. Cuvelier (co-leader de l’épreuve avec Pélissier et Le Drogo ce matin), finit 24ème à 21’59’’.

  « Francis est mort, vive Leducq » (H. Desgrange)
Il n’a jusqu’à présent guère été question d’André Leducq. Et pour cause. A 23 ans, le Parisien apprend le métier au service de Bidot qui crève à tout va. Chacun a cependant remarqué que «  Dédé » possédait le bon coup de pédale. Si bien qu’aujourd’hui, L. Feuillet, le directeur sportif de l’équipe Alcyon, a accepté qu’il fasse partie de la garde rapprochée de Frantz. Le résultat ne se fait pas attendre : Leducq remporte l’étape devant Dewaele et Muller tandis que Frantz se classe 4ème à 4’33’’ après avoir crevé sur la fin.
Dans son livre « Une fleur au guidon », Leducq se remémore cette époque : « Il ne faut pas vous y tromper, l’escalade des cols dans la boue et la tempête, la traversée de la Crau brûlée de soleil, la fontaine de Salon, tout cela faisait de belles photographies et de l’héroïque littérature mais dans la réalité, nous n’avions pas grand-monde pour nous acclamer sur le bord des routes. Le berger aux échasses, dans les Landes, Robert Caudrilliers, le photographe du « Miroir des Sports », allait le chercher au milieu des pins en lui glissant un billet à la main. Il ne se serait pas dérangé, sans cela, pour nous voir passer. Les voitures de suiveurs occasionnels, se mêlant d’autorité à la course, étaient bien plus nombreuses que les voitures des suiveurs professionnels, et cela faisait souvent des histoires. Il y avait généralement peu de monde aux arrivées, aucun cérémonial, et on se dispersait rapidement. J’avais vécu des arrivées de courses interclubs bien plus animées et surtout bien plus chaleureuses. »
Son 1er grand succès, celui qui gagnera 2 fois la Grande Boucle ne l’a pas oublié non plus ; « Henri Desgrange m’a consacré des lignes très élogieuses. Ludo était content aussi. Pas tellement parce qu’un Français gagnait. Il faut dire qu’Alcyon avait plusieurs filiales : Labor, Thomann, La Française. Maurice Dewaele, vainqueur au Havre, était coureur de Labor. Je montais une bicyclette Thomann ce qui donnait une équitable répartition de bouquets pour la publicité, constatait ce cher Ludo. Et c’est cela qui le réjouissait d’abord. »

 Classement de l’étape

 Classement général