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366 km. 8 juillet 1912
Léturgie se fait remarquer
Il est 3 heures du matin lorsque le départ est donné. 5 hommes se détachent quelque peu dans le col de Megève : les 3 premiers du général (Defraye, Christophe et Lapize), accompagnés de Jean Alavoine et du surprenant Maurice Léturgie (3ème de Paris-Roubaix cette année). Ce dernier enlève la prime offerte à Saint-Gervais (km 22). Mais il s’agit du dernier fait d’armes du Lillois qui chutera dans la descente du col des Aravis et abandonnera peu après à Annecy (km 98), blessé sérieusement à la tête.
Nouvel exploit de Christophe
Cette étape se joue dans le col des Aravis lorsque, à la sortie de Giettaz, Eugène Christophe se propulse à l’avant. Le voici à Annecy avec 2’ d’avance (selon "Excelsior" ; 6’ selon "L’Auto") sur son coéquipier chez "Armor" Jean Alavoine. Les 2 amis font ensuite cause commune pendant les 150 km de plat qui séparent Annecy du col du Télégraphe avant que le "Gars Jean" (42ème à Grenoble) n’abandonne "Cricri" au pied du Galibier. Laissons H Desgrange analyser la performance du "Crack de Malakoff" : "Christophe a monté les 33 kilomètres de l’effroyable côte du Galibier en 2 heures 33 m 15 s, autant que mes souvenirs me servent, Georget fit un peu mieux l’an passé. Comme Georget aussi, Christophe n’a pas mis pied à terre dans l’effroyable côte car il ne faut point compter comme des atterrissages dus à la fatigue le fait que par trois fois, dans les 400 derniers mètres, la route détrempée, défoncée, gluante de la fonte des neiges et caillouteuse le déposa à terre sans résistance possible de sa part."
Christophe bascule dans la descente avec un quart d’heure d’avance. Il perd ensuite beaucoup de minutes sur Lapize mais n’oublions pas que le Tour de France se dispute aux points, peu importe le temps ! Il lui suffit de bien gérer les derniers kilomètres et c’est une 3ème victoire consécutive qui tend les bras au "Vieux Gaulois" à Grenoble.
1er du général, Christophe peut quand même regretter d’avoir perdu 23 points lors de la 1ère étape : "La veille du départ fixé au Luna Park, place Maillot, tout avait mal commencé pour moi après le bris du raccord de selle de ma machine déjà plombée, ce qui interdisait toute intervention de ma maison. Il me fallut des trésors d’imagination pour réparer moi même, jusque tard dans la nuit. Mais ce n’était pas fini : à peine avions-nous pris notre envol qu’en traversant Enghien, je perdis un écrou de clavette. J’avais sauté sur la machine d’un spectateur et en avais démonté une. En guise de dédommagement, je l’avais remercié en lui promettant l’envoi de cartes postales à chaque étape" (J.P. Rey "Eugène Christophe, le damné de la route").
- Eugène Christophe à l’arrivée à Grenoble
Defraye sauvé par Lambot
Le leader de l’épreuve Odiel Defraye a vécu une journée de calvaire. Le Flamand a percuté un chien dans la descente des Aravis. En grande difficulté dans le Galibier, il a reçu le soutien inespéré de Firmin Lambot, 2ème derrière Christophe au sommet de ce col : "Après le sommet, au lieu de tourner à droite vers Grenoble, j’ai continué dans la descente du Lautaret, qui conduit à Briançon. Il n’y avait pas de spectateur, personne pour m’indiquer la route. C’est un cantonnier, après de nombreux kilomètres, un cantonnier très surpris de voir passer un coureur, qui m’a révélé mon erreur. J’ai donc rebroussé chemin... remontant un col qui n’était pas inscrit au programme et c’est ainsi que j’ai retrouvé Defraye sur ma route. Il était en détresse et voulait abandonner. Nous n’appartenions pas à la même maison, mais j’ai eu pitié de lui. J’aurais pu le lâcher facilement, l’abandonner à son sort, et je suis certain qu’il n’aurait pas été loin. Je suis resté avec lui. Je l’ai encouragé, houspillé même. Je savais que sa blessure au genou faisait mal, mais elle n’était pas grave, sinon il n’aurait pas été capable de pédaler. Je me mettais à sa place. Et puis, c’était un compatriote. J’avais compris qu’il regretterait toute sa vie un moment de découragement. Nous avons rallié Grenoble ensemble, où il s’est classé 9ème et moi 10ème", confiera le futur vainqueur du Tour de France 1919 à Théo Mathy dans "Les serviteurs du cyclisme belge".
Voilà qui permet à Defraye de conserver sa 1ère place du général à égalité de points avec Christophe.
Classement de l’étape
Place | Coureur | Temps / Ecart |
---|---|---|
1 | Eugène Christophe (Fra) | en 13h40’23’’ |
2 | Octave Lapize (Fra) | à 2’37’’ |
3 | Gustave Garrigou (Fra) | à 9’33’’ |
4 | Félicien Salmon (Bel) | |
5 | Hector Tiberghien (Bel) | t.m.t. |
6 | Marcel Buysse (Bel) | à 17’58’’ |
7 | Henri Devroye (Bel) | à 19’37’’ |
8 | Charles Crupelandt (Fra) | à 26’17’’ |
9 | Odiel Defraye (Bel) | à 30’44’’ |
10 | Firmin Lambot (Fra) | à 34’18’’ |
Classement général
Place | Coureur | Temps / Ecart |
---|---|---|
1 | Odiel Defraye (Bel) | 29 pts |
1 | Eugène Christophe (Fra) | 29 pts |
3 | Octave Lapize (Fra) | 30 pts |
4 | Gustave Garrigou (Fra) | 43 pts |
5 | Charles Deruyter (Bel) | 52 pts |
6 | François Faber (Lux) | 55 pts |
7 | Marcel Buysse (Bel) | 62 pts |
8 | Philippe Thys (Bel) | 65 pts |
9 | Hector Tiberghien (Bel) | 73 pts |
10 | Henri Devroye (Bel) | 76 pts |