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214,5 km. 12 juillet 1971
Parcours : Cols du Portet d’Aspet, de Menté et du Portillon.
Fuente dans l’indifférence générale...
Au 50ème km, Van Katwijk, Martellozo, Fuente, escortés de 2 équipiers du maillot jaune Ocana (Vasseur et Letort) décident de prendre le maximum d’avance avant d’aborder les difficultés du jour. Manœuvre réussie puisque le meilleur grimpeur du lot, José-Manuel Fuente (Kas) franchit le sommet du Portet d’Aspet (km 150) 2’10’’ avant Vasseur, 5’ avant le groupe Ocana - Merckx.
Après une brève descente, débute l’ascension du col de Menté : 4’45’’ d’avance sur Guimard, 4’50’ sur le groupe maillot jaune en haut (km 165), tout va bien pour l’Espagnol. Dans la descente, sous la pluie mêlée de grêle (nous y reviendrons plus tard), Fuente vole par-dessus le parapet. Il lui faut le secours d’un boyau tendu à bout de bras pour qu’il puisse remonter à hauteur de la route puis courageusement continuer son chemin.
Encore le col du Portillon (6’20’’ d’avance au sommet, km 204) et le protégé de Langarica peut lever les bras en signe de victoire, allées d’Etigny à Luchon.
- 1ère victoire d’étape à 26 ans pour Fuente sur le Tour.
...car, pendant ce temps...
Fuente a donc remporté l’étape mais l’ouvrier-ferronnier d’Oviedo ne fera pas la une des journaux le lendemain. Non, sa chevauchée est reléguée au second plan car les éléments naturels se sont déchaînés et le bon déroulement de la course s’en est trouvé perturbé. Nul mieux que Pierre Chany ne peut restituer la chronologie des faits : « Ce drame qui a bouleversé le Tour de France et plongé dans la tristesse les sportifs par milliers, s’est produit soudain, deux kilomètres après le sommet du col de Menté, sur une route étroite en forme de vermicelle, alors que l’orage d’une violence inouïe ébranlait la montagne. Les grêlons crépitaient sur le toit de nos voitures, des torrents en fureur inondaient la chaussée d’une eau noirâtre, et la visibilité commençait à faire défaut. » (...)
« Un virage à gauche en forme d’épingle à cheveux, se présenta alors, au plus fort de cet orage, qui venait de nous surprendre après des heures d’une canicule intense. Une coulée d’eau limoneuse transformait la route en ruisseau, dissimulant un sol couvert de gravillons épars. Cette courbe vicieuse, Merckx ne parvint pas à la négocier parfaitement. Il partit en dérapage, tomba, et se releva aussitôt, le genou entaillé, une estafilade au mollet droit. Le porteur du maillot jaune, qui descendait très vite lui aussi, dans le sillage de celui qui n’avait pas réussi à le semer dans la montée du col, ne put éviter la glissade. Il était déjà en train de se redresser, prêt à reprendre le combat, quand Zoetemelk surgit soudain. Le choc fut d’une extrême violence, souligné d’une projection d’eau, et Luis Ocana percuté de plein fouet, touché violemment à la poitrine, expédié contre la roche grise et visqueuse, demeura inerte sur le sol, inerte et les yeux clos.
Des suiveurs se précipitèrent dans une atmosphère de cataclysme, l’un d’eux hurlant que la montagne allait s’effondrer. Mais avant même que les premiers sauveteurs fussent parvenus auprès du maillot jaune gisant, débouchaient en pleine vitesse et Agostinho, et Thévenet, et Martinez, qui butèrent tous trois contre Ocana, voltigèrent à leur tour et s’écrasèrent un peu plus bas. Le jeune français se releva avec une épaule meurtrie, et le coude ensanglanté. Plus heureux, Cyrille Guimard avait évité la chute de justesse, tandis que Wagtmans, connu pour son intrépidité, passait par miracle au milieu de tous ces gens, quittait la route et disparaissait, toujours à cheval sur sa bicyclette, dans une prairie en contrebas. »
Ocana est évacué vers l’hôpital de Saint-Gaudens où le diagnostic est rassurant. Le blessé ne souffre que de fortes contusions au thorax et d’une entorse cérébrale.
- Ocana en pleurs après sa chute dans le col de Menté
Merckx refuse de porter le Maillot
Durant cet épisode dantesque, Gosta Pettersson (5ème du général ce matin), épuisé, a abandonné.
Quant à Merckx, Aimar, Van Impe, Zoetemelk et Lopez-Carril, ils continuent sous un ciel redevenu serein.
Dans le Portillon, le champion belge reçoit des crachats et des pierres en plein visage de la part des supporters d’Ocana qui le rendent responsable de la tragédie.
A l’arrivée, Merckx s’impose, pour la 2ème place, à 6’21’’ de Fuente, mais le cœur n’y est plus. Sur le podium, il refuse d’endosser la Tunique et déclare qu’il ne la portera pas le lendemain.
Classement de l’étape
Place | Coureur | Temps / Ecart |
---|---|---|
1 | José-Manuel Fuente (Esp) | en 6h11’54" |
2 | Eddy Merckx (Bel) | à 6’21" |
3 | Lucien Van Impe (Bel) | |
4 | Vicente Lopez-Carril (Esp) | |
5 | Lucien Aimar (Fra) | |
6 | Joop Zoetemelk (PB) | t.m.t. |
7 | Cyrille Guimard (Fra) | à 7’15" |
8 | Antonio Martos (Esp) | à 7’26" |
9 | Bernard Labourdette (Fra) | à 7’34" |
10 | Joaquim Agostinho (Por) | à 7’35" |
Classement général
Place | Coureur | Temps / Ecart |
---|---|---|
1 | Eddy Merckx (Bel) | en 70h49’10" |
2 | Joop Zoetemelk (PB) | à 2’21" |
3 | Lucien Van Impe (Bel) | à 2’51" |
4 | Bernard Thévenet (Fra) | à 4’46" |
5 | Leif Mortensen (Dan) | à 11’24" |
6 | Tomas Pettersson (Sue) | à 14’56" |
7 | Joaquim Agostinho (Por) | à 15’1" |
8 | Cyrille Guimard (Fra) | à 15’21" |
9 | Lucien Aimar (Fra) | à 19’41" |
10 | Bernard Labourdette (Fra) | à 20’ |